La rue principale [6eme-7eme jour de la saison des fruits. Filibert/Cassandre]

** Cette fois, et c'est assez rare il faut bien l'admettre, je n'eus ni rire, ni sourire, ni même un petit regard amusé. Il était clair qu'il ne restait plus grand chose de la personne quasiment douée de morale qui contrebalançait l'esprit malsain de la succube, ses mots me semblaient plus agressifs, beaucoup moins courtois, et surtout ils portaient de lourds double-sens, qui sont les marques des esprits rusés et moqueurs, pour ne pas dire pernicieux et provocants **

- Le calme n'est pas nécessairement bon signe, vous connaissez probablement ce proverbe maintes et maintes fois cités par toutes les bouches, par les sages, les gens simplement prudents ou les peureux... "Le calme avant la tempête"

** Je la regardais cette fois droit dans les yeux, elle me rappelait ce Wolfren croisé plus tôt. Une personnalité dangereuse en semi-opposition avec une autre. mais elle était probablement beaucoup plus dangereuse, cachée sous ses apparences de jeune fille, un homme loup gigantesque, on s'en méfie dès le premier regard, mais celle-ci avait du trompée bien des gens par son apparence frêle et physiquement inoffensive. **

*Elle sourit, révélant ses canines. Chez les animaux dévoiler ses dents revient à prévenir son adversaire qu'il marche sur un terrain instable. Mais les relations humaines sont si faussées que les mises en garde passent pour des invitations.*

Cassy : Oui ils disent ça, les plus sages ou les plus peureux disent aussi "le calme au coeur de la tempête", ou bien "après la pluie le beau temps", ils sont tous terriblement sur leurs gardes. A croire que le danger se cache partout et le calme ne figure que son arrivée imminente. C'est leur crainte constante qui l'attire, le danger, oui. Celui qui doute est une proie facile. Seuls les fous s'attaquent aux êtres surs d'eux, et en dehors des hommes je ne connaît guère d'êtres assez fou pour cela.

*Elle posa son regard sur le korrigan et l'observa, les paupières à demi-fermées, à la manière indolente des chats qui tiennent leur proie à l'oeil.*

Cassy : Sage ou peureux cela revient au même : leur méfiance attire le danger plus certainement que l'inconscience des "courageux". Car ceux qui face au danger ne doutent pas ne sont pas moins fous que ceux qui appréhendent la tempête par temps clair, c'est seulement être fou par un autre tour de folie.

*Elle éclata de rire, détachant son regard de Filibert*

Cassy : Voyez, vous me faites disserter! Allons, vous étiez plus sur de vous tout à l'heure.

*Elle se tut un moment comme si elle réfléchissait.*

Cassy : Vous disiez tout à l'heure que vous ne craignez pas la mort car vous acceptez l'ordre inéluctable des choses. Mais ceux qui viennent à Nalawë ne souhaitent pas mourir, ils nourrissent une ambition secrète. Etes-vous certain que vous accepteriez de mourir ici? (pour ma part cela me plairait assez peu, la nuit est trop belle pour mourir.)

** Cette fois, j'eus de nouveau un sourire **

- Mourir n'est pas un problème, la définition même de la mort est la fin totale et inéluctable des sensations, si je ne ressens plus rien, il n'y a plus guère de désagréments à être mort, c'est même un avantage pour certains.

** Je reprenais une bouffée de tabac avant de continuer **

- Non le seul problème, c'est la vie, ce serait embêtant de se voir mourir alors qu'on avait encore des actes à accomplir de son vivant, j'ai quelques objectifs à atteindre avant ma mort. L'exceptionnelle espérance de vie de mon peuple ne me met pas à l'abri de ma mort, mais elle me permet juste d'attendre patiemment que des projets arrivent à moi, les korrigans, les fées, les elfes, les démons, ne sont en rien éternels, ils peuvent trouver la mort aussi bêtement que le plus stupide des nourrissons humains, seulement nous, nous pouvons nous octroyer le luxe d'attendre de trouver une raison à notre existence.

** Je m'allongeais sur le dos, les tuiles du toit n'était pas aussi douce que les brins d'herbes des forêts, maisj e ne suis pas quelqu'un qui accorde beaucoup d'importance au confort **

-De toute façon, je ne peux rien y faire, c'est le plan du Temps qui décidera. Et puis, mourir sous le regard reposant de cette lune, par une si belle nuit aurait quelque chose de très... théâtral. C'est vraiment séduisant

*La succube l'observa avec un demi-sourire*

Cassy : bien, bien. Vous me semblez un peu plus sûr de vous. Mais vous êtes un être étonnant.

*Elle se rapprocha insensiblement.*

Cassy : Les korrigans ont donc goût au tragique? ... Je ne savais pas. Malgré tout vous avez encore des choses à faire dans ce monde...

*Elle se tut un moment, pensive.*

Cassy : Mais les apparences sont trompeuses. La mort, la vie tout cela, qui peut vous dire ce que vous réserve la mort? Etes-vous sûr de renaître à chaque fois? N'y a-t-il pas, au delà de la vie, un néant impossible à dépasser? Si ce qui devait s'offrir à votre âme trépassée n'était pas le néant mais l'Enfer? Aussi sage soit votre race vous appartenez aux vivants, la mort vous reste inaccessible. Ce qu'il y a derrière le rideau vous est aussi inconnu que la face cachée de cette lune qui vous émeut tant; aussi inaccessible que votre propre inconscient... Et ce qui s'y cache qui le sait?

*Le visage de la succube était à présent très proche de celui du korrigan et elle le fixait en silence, une lueur ironique au fond des yeux.*

-La mort est par définition l'arrêt du fonctionnement d'un corps, et donc la fin totale des sensations. Qu'il y ait quelque chose ou pas après la mort n'a pas d'importance, on ne peut pas le ressentir.

** Je me sentais un peu trop solennel ce soir, c'était un peu pénible **

-De toute façon, si Enfer ou Paradis il y a, des forces supérieures aux nôtres décident de nous acheminer vers l'un ou l'autre, des forces omnipotentes, omniscientes, la manière dont je vis, dont je meurs n'a aucune importance, ils ont tout pouvoir et toute connaissance de moi, je ne peux donc pas les influencer de quelques manières que ce soit, si quelque chose décide où je vais, avant comme après ma mort, il sait aussi comment j'irais, quand, et pourquoi, je ne peux l'influencer alors autant suivre mes envies...


** Un petit rire s'échappa de ma gorge, un petit rire moqueur **

-Nous autres Korrigans sommes naturellement excessifs, moi plus que d'autres, le théâtral, le dramatique, le pathétique comme l'excessive joie m'attirent immanquablement. Mon Maître disait de moi que j'étais très "théâtral" sans même le vouloir.

*Lorsqu'il se tut la succube battait furieusement des ailes. Elle était accroupie à quelque pas de lui et le fixait avec les yeux d'un chat qui guette sa proie, attendant la moindre distraction de celle-ci pour bondir. Son visage était fendu par un sourire équivoque, suspendu comme un écho du rire ironique du korrigan et ses pupilles suivaient le moindre des mouvement de son interlocuteur. Lorsqu'elle ouvrit la bouche sa voix s'éleva plus ample et plus grave qu'auparavant, plus emplie de menaces à peine dissimulées peut-être aussi.*

Cassy : Il assez imprudent d'être théâtral dans un monde comme le nôtre. Le goût des passions et des grands sentiments qui vous possèdent et vous dirigent n'est pas toujours de bon ton. Et on les regrette immanquablement. Peut-être est-ce ce goût du théâtral qui vous a poussé à venir jouer ici. Peut-être aussi allez-vous le regretter.

*Elle se redressa lentement, prudemment. Son regard avait accroché celui de Filibert et ne le lâchait plus. Seules se ailes qui s'agitaient en désordre dans son dos trahissaient son excitation. Son corps ondulait doucement et une litanie entêtante s'élevait de ses lèvres. Ses cils battaient au rythme de l'incantation qu'elle murmurait. La moindre parcelle de son corps participait au charme par lequel elle hypnotisait le korrigan.*

** J'étais conscient d'observer bêtement le visage de la succube, la bouche un peu ouverte, les yeux grands ouverts, comme deux soucoupes vertes qui luisaient un peu dans l'obscurité. Je regardais ses yeux profonds, ses lèvres délicates qui remuaient, ses cheveux fins qui dansaient dans le vent. l'hypnose commençaient à monter. C'était pas bon. Mais cela devait bien l'être un peu, puisque je ne bougeais pas, je ne clignais presque pas des yeux, comme si j'avais peur de perdre son image. **

-La séduction. L'hypnose. L'enchantement. La soumission. La faiblesse.

**La litanie recommençait, je parlais avec une voix creuse, et les mots semblaient perdre leur sens, mon esprit commençait à basculer. Ca n'allait pas du tout, je crois même qu'elle commençait à s'approcher. **

*Un sourire langoureux étira lentement les lèvres de la succube. son corps ondulait lentement, au rythme d'une incantation mystérieuse qui canalisait les forces occultes de la nuit pour étendre l'aura de séduction de la créature. Elle avait capté le regard de sa proie, elle tenait son attention prisonnière de son charme. Elle savait pourtant qu'elle ne pouvait relâcher sa garde. L'intensité de son regard s'accentua encore, renforçant le lien qui retenait le korrigan et elle commença son approche.

La litanie sourde qui s'élevait de sa gorge parvenait clairement aux oreilles de sa proie et égarait ses sens, distordait le temps et l'espace. Seule l'image de la succube émergeait à présent de la nuit. Le charme se resserrait autour du korrigan. La toile était achevée et la mouche s'était engluée devant. L'araignée n'avait plus qu'à attaquer.

L'approche de la succube fut longue, sensuelle et envoutante, il était hors de question de perdre la proie, de la laisser s'échapper. La silhouette noire avançait vers le korrigan au rythme de son incantation. Mais elle savait parfaitement que, pour lui, son approche serait soudaine, imprévisible, fatale. Car tout son être était sous l'emprise de la démone et soumis à ses illusions.

Enfin elle fut à la hauteur du korrigan...*

-La séduction. L'hypnose. L'enchantement. La soumission. La faiblesse...

** Comme dans un rêve, j'ôtais la pipe de ma bouche, lentement, plus lentement encore, je renversais son contenu brûlant sur le dos de ma main gauche, la morsure du tabac incandescent réveilla mes sens, l'adrénaline, la prise de conscience.
La succube approchait de moi en me fixant, à quatre pattes, comme une amante vers son homme, et comme un félin vers sa proie.
En une seconde, tout était fait, tout avait été dit, la faiblesse n'est pas une option, je ramassais mon bâton et d'un bond rapide et agile, le petit être que je suis atterrit derrière la succube, un pied sur son dos, mon bâton enserrait sa gorge, sa magnifique gorge et je la maintenais à genoux. Tant que je ne croisais pas son regard, le charme serait moins efficace **

-Je ne saurais dire si j'apprécie ou non la tournure de la situation mademoiselle... Mais j'aimerais bien avoir le choix.